• FEMMES DEBOUT

    Femmes debout !

     
    Dans le cadre de la mission parlementaire sur le voile intégral, cette lettre a été lue au Palais du Luxembourg par Djemila Benhabib.Vendredi 13 novembre 2009 était la journée « Femmes debout »,
    organisée par Femmes Solidaires et la Ligue du Droit International des Femmes.

    Djemila Benhabib est l’auteure de « Ma vie à contre Coran » publiée au Québec.

      Chers amis,

     Merci mille fois de ce grand honneur que vous me faites aujourd’hui, de me consacrer parmi les Femmes debout et de permettre à ma voix, celle d’une femme de culture musulmane féministe et laïque, de résonner dans cette prestigieuse institution de la République. Merci à vous, mes amies de femmes solidaires et de la Ligue du droit international des femmes pour votre travail acharné, permanent et indispensable, que ce soit dans les quartiers, auprès des femmes victimes de violences et discriminations, des sans papiers ou encore au sein des politiques et des instances onusiennes. C’est dire que c’est ici, localement que prend racine le travail pour le droit des femmes, pour se répercuter à l’échelle internationale. C’est dire aussi que la marche des femmes pour la liberté et l’égalité est une et indivisible. Lorsqu’une femme souffre dans un quelconque endroit de la planète, c’est notre affaire à toutes et à tous. Merci de nous faire sentir de mille façons que nous sommes les maillons d’une même chaîne.

     Voilà encore quelques années, je n’aurais jamais imaginé que ma vie de femme, que ma vie de militante serait si intimement liée au féminisme et à la laïcité.

     Je vous surprendrai peut-être en vous avouant que je ne suis pas devenue féministe en tournant les pages du « Deuxième Sexe », ni en me plongeant dans ce magnifique roman d’Aragon « Les cloches de Bâle », où il était question entre autres de Clara Zetkin et de Rosa Luxembourg, deux figures de proue du féminisme et de la paix dans le monde.

     Je ne suis pas devenue laïque en m’abreuvant de Spinoza, de Ibn Al-Arabi, de Descartes, de Ibn Khaldoun, ou de Voltaire, mon maître. Absolument pas !

     J’aurais pu tourner mon regard ailleurs pour me perdre dans cette enfance si heureuse que j’ai eue dans une famille généreuse, cultivée, ouverte sur le monde et sur les autres, profondément engagée pour la démocratie et la justice sociale. J’aurais pu m’égarer dans la beauté de cette ville qu’est Oran où il faisait si bon vivre au bord de la mer. Cette ville qui a propulsé la carrière littéraire d’Albert Camus, avec son célèbre roman « La peste » jusqu’au Nobel de littérature. J’aurais pu ne rien voir, ne rien entendre des brimades, du mépris, des humiliations et des violences qu’on déversait sur les femmes. J’ai choisi de voir et d’écouter d’abord avec mes yeux et mes oreilles d’enfant. Plus tard, j’ai choisi de dire les aspirations de toutes ces femmes qui ont marqué ma vie pour que plus jamais, plus aucune femme dans le monde, n’ait honte d’être femme.

     Pour vous dire vrai, à l’enfance et surtout à l’adolescence, je n’ai jamais rêvé de mariage, de prince charmant, de robe longue, de grande maison, d’enfants et de famille. Les quelques mariages auxquels j’avais assisté, en Algérie, me faisaient sentir que la femme était un objet bien plus qu’un sujet. Inutile de vous préciser que ma perspective était ultra minoritaire, car les femmes sont formatées à devenir des épouses, puis des mères dès l’enfance. Je devais avoir, quoi, cinq, six, peut-être sept ans tout au plus, lorsqu’on me somma de rejoindre ma grand mère dans la cuisine, car ma place naturelle était à mi-distance entre les fourneaux et la buanderie, de façon à pouvoir faire éclater mes talents de cuisinière et de ménagère, le moment venu.

    En 1984, l’Algérie adopte un code de la famille inspiré de la charia islamique. J’ai douze ans à cette époque. Brièvement, ce code exige de l’épouse d’obéir à son mari et à ses beaux-parents, permet la répudiation, la polygamie, destitue la femme de son autorité parentale, permet à l’époux de corriger sa femme et en matière d’héritage comme de témoignage, l’inégalité est érigée en système puisque la voix de deux femmes équivaut à celle d’un homme, tout comme les parts d’héritage.

     Trop de femmes dans le monde se font encore humilier, battre, violenter, répudier, assassiner, brûler, fouetter et lapider. Au nom de quoi ? De la religion, de l’Islam en l’occurrence et de son instrumentalisation. Pour refuser un mariage arrangé, le port du voile islamique ou encore pour avoir demandé le divorce, porté un pantalon, conduit une voiture et même avoir franchi le seuil de la porte sans la permission du mâle, des femmes, tant de femmes subissent la barbarie dans leur chair. Je pense en particulier à nos sœurs iraniennes qui ont défilé dans les rues de Téhéran pour faire trembler l’un des pires dictateurs au monde : Ahmadinejad. Je pense à Neda, cette jeune Iranienne assassinée à l’âge de 26 ans. Nous avons tous vu cette image de Neda gisant sur le sol, le sang dégoulinant de sa bouche. Je pense à Nojoud Ali, cette petite Yéménite de dix ans, qui a été mariée de force à un homme qui a trois fois son âge et qui s’est battue pour obtenir le droit de divorcer… et qui l’a obtenu. Je pense à Loubna Al-Hussein qui a fait trembler le gouvernement de Khartoum, l’été dernier à cause de sa tenue vestimentaire

    La pire condition féminine dans le globe, c’est celle que vivent les femmes dans les pays musulmans.

     Il y a aussi ce courant de pensée relativiste qui prétend qu’au nom des cultures et des traditions, nous devons accepter la régression, qui confine l’autre dans un statut de victime perpétuelle et nous culpabilise pour nos choix de société en nous traitant de racistes et d’islamophobes lorsque nous défendons l’égalité des sexes et la laïcité

    Sachez qu’il n’y a rien dans ma culture qui me prédestine à être éclipsée sous un linceul, emblème ostentatoire de différence. Rien qui me prédétermine à accepter le triomphe de l’idiot, du sot et du lâche, surtout si on érige le médiocre en juge. Rien qui prépare mon sexe à être charcuté sans que ma chair en suffoque. Rien qui me prédestine à apprivoiser le fouet ou l’aiguillon. Rien qui me voue à répudier la beauté et le plaisir. Rien qui me prédispose à recevoir la froideur de la lame rouillée sur ma gorge. Et si c’était le cas, je renierais sans remords ni regret le ventre de ma mère, la caresse de mon père et le soleil qui m’a vu grandir.

     Tout ça pour dire qu’il est toujours possible de faire avancer les sociétés grâce à notre courage, notre détermination et à notre audace. Je ne vous dis pas que ce sont là des choix faciles. Loin de là. Les chemins de la liberté sont toujours des chemins escarpés. Ce sont les seuls chemins de l’émancipation humaine. Je n’en connais pas d’autres.

     Cette merveilleuse page d’histoire, de NOTRE histoire, nous enseigne que subir n’est pas se soumettre. Car par- delà les injustices et les humiliations, il y a aussi les résistances. Résister, c’est se donner le droit de choisir sa destinée. C’est cela pour moi le féminisme. Une destinée non pas individuelle, mais collective pour la dignité de TOUTES les femmes. C’est ainsi que j’ai donné un sens à ma vie en liant mon destin de femme à tous ceux qui rêvent d’égalité et de laïcité  comme fondement même de la démocratie. L’histoire regorge d’exemples de religions qui débordent de la sphère privée pour envahir la sphère publique et devenir la loi. Dans ce contexte, les femmes sont les premières perdantes. Pas seulement. La vie dans ses multiples dimensions, devient soudainement sclérosée lorsque la loi de Dieu se mêle à la loi des hommes pour organiser les moindres faits et gestes de tous. Il n’y a plus de place pour les avancées scientifiques, la littérature, le théâtre, la musique, la danse, la peinture, le cinéma, bref, la vie tout simplement. Seuls la régression et les interdits se multiplient. C’est d’ailleurs pour ça que j’ai une aversion profonde à l’égard des intégrismes quels qu’ils soient, car je suis une amoureuse de la vie

     Rappelez-vous une chose : lorsque la religion régit la vie de la cité, nous ne sommes plus dans l’espace du possible, nous ne sommes plus dans le référentiel des doutes, nous ne sommes plus dans le repère de la Raison et de la rationalité si chères aux Lumières. Séparer l’espace public de l’espace privé en réaffirmant la neutralité de l’Etat, me semble indispensable, car seule la laïcité permet de se doter d’un espace commun, appelons-le un référentiel citoyen, loin de toutes croyances et de toutes les incroyances, pour prendre en main la destinée de la cité.

     Et je finirai par une citation de Simone de Beauvoir : « On a le droit de crier mais il faut que ce cri soit écouté ; il faut que cela tienne debout ; il faut que cela résonne chez les autres. » J’ose espérer que mon cri aura un écho parmi vous.

     Djemila Benhabib


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  • Commentaires

    3
    Ro-bert
    Jeudi 18 Mars 2010 à 21:33

    Si je pouvais croiser  Djemila, je pense que j'aurai une forte envie de la serrer dans mes bras ... de sentir cette force qui la guide.
    Respect Djemila et bises à toi Mapy ! Merci de m'avoir fait découvrir ce texte admirable ...
    Je ne commenterai pas car Morsli a tout dit ... et si bien !

    2
    morsli
    Jeudi 18 Mars 2010 à 11:39

    Fanatiques, hypocrites, voilà un bon portait des intégristes musulmans de la part de Bernie.Je voudrais ajouter certaines précisions au discours de Djemila.Il ne faut pas mélanger ce qui est de l'ordre du "culturel" et ce qui a la religion comme origine.L'excision est une tradition, surtout africaine, qui n'a aucun fondement religieux.L'interdiction de conduire une voiture, de porter un pantalon sont des prescriptions d'imbéciles heureux.Pourquoi dans la charia originelle, la Femme avait-t-elle le droit de disposer de son patrimoine, pourquoi le mari avait interdiction de la frapper et qu'est-ce qui a fait que le statut de la Femme en pays musulman soit devenu indécent ?
    Pourquoi braquer les projecteurs sur l'Iran alors que la situation de la Femme est bien pire en Arabie Séoudite ?Quant à l'Algérie, quelle régression depuis l'indépendance, avec cette loi infecte de 84.
    Autre chose : les grands frères qui chaperonnent leurs soeurs me font bien rigoler quand dans le même temps ils vivent de trafics inavouables : reprocher le maquillage à une soeur pendant qu'on deale, génial !
    D'accord avec le refus de tout relativisme culturel quand entrent en jeu la dignité de la Femme, l'égalité entre sexes, la liberté de disposer de son corps, de circuler...il ne peut exister aucun accommodement là-dessus.J'ajoute que les petites connes qui portent le voile par provocation, par communautarisme, m'agacent au plus haut point.Je les enverrais volontiers chez nos"amis" talibans : elles seraient astreintes à la vraie réalité de la condition féminine.Idem pour les porteuses volontaires de la burqua.En fait, je ne vois qu'hypocrisie de part et d'autre, entre les connes consentantes ou provocantes et les abrutis intégristes qui s'écrasent dans leurs pays d'origine (exemple Maroc, Tunisie, Algérie) et qui manifestent ici contre la loi sur le port du voile.Pas de compromis sur la laïcité, pas de compromis sur la liberté et sur le droit des femmes ! un point c'est tout.On ne va pas brader des siècles de luttes engagées par les féministes et les acquis obtenus.Voici un texte pour finir, concernant l'Arabie Séoudite et ses méthodes méphitiques à l'encontre de la Femme:
     


    <table border="0" cellspacing="0" cellpadding="0" width="598" align="center"> <tbody> <tr> <td width="477" valign="middle">La Femme en Arabie Saoudite [08-2000]</td> <td width="125" bgcolor="#00CCCC"> </td> </tr> </tbody> </table>


    Femmes saoudiennesUn des premiers producteurs de pétrole du monde, une puissance financière capable de soumettre le dollar, la livre et l'économie occidentale, l'Arabie Saoudite est aussi l'un des pays les plus rétrogrades en matière de respect des droits humains…

    L'Arabie Saoudite a les mains rouges et le cœur asséché par les actes de violences qu'elle encourage sur son territoire à l'égard de toutes les personnes qui entravent la loi sociale et religieuse. Dans cette politique délibérée de chasse à l'impie, les femmes, qu'elles soient saoudiennes ou immigrées, font l'objet d'une discrimination instituée et traditionnelle.

    Des patrouilles de la police religieuse, les " mutawa'een " sillonnent les rues, questionnent les femmes accompagnées d'un homme pour s'assurer de l'identité de ce dernier, vérifient que la tenue vestimentaire stricte imposée par la loi est respectée, arrêtent les femmes qu'ils jugent en infraction, les emprisonnent, les soumettent parfois à une " vérification de leur virginité ", les torturent, les font condamner par un système judiciaire corrompu et incompétent. Certaines se retrouvent rapidement devant un peloton d'exécution pour des crimes qu'elles n'ont pas commis. Comment défendre une femme devant un tribunal si les lois édictent, elles-mêmes, des pratiques discriminatoires et violentes à leur égard ? Tout est organisé pour que la justice soit rendue, au nom de la loi religieuse, sans appel, sans recours, le plus rapidement possible et dans le secret le plus absolu.

    Prenons le cas de cette femme indonésienne immigrée et employée comme domestique. Quelques jours après son embauche, elle est maltraitée, soumise à des injures, des harcèlements verbaux et physiques, puis rapidement abusée sexuellement. Son employeur est assassiné. Elle est alors accusée du meurtre, jugée en secret et contrainte à signer une déclaration écrite en langue arabe qu'elle ne comprend pas. Ces textes constituent bien souvent des passeports pour l'exécution capitale ! Pourtant, elle n'a jamais compris la raison de son emprisonnement. Ce sont les rares lettres adressées à sa famille qui nous renseignent de son désarroi. Aucune personne, aucune organisation, aucun avocat, ne peut intervenir de l'extérieur pour lui venir en aide, pour faire réviser son procès. La barrière de la langue, le manque d'argent, le système judiciaire inique et voué au châtiment ne lui laissera aucune chance.

    La femme saoudienne, de son côté, est censée bénéficier de droits économiques égaux à ceux des hommes. Dans la réalité, ses droits civiques, quasi inexistants, constituent une entrave majeure à l'exercice de son rôle dans la société saoudienne. La scolarité lui est réglementée et certaines disciplines ne lui sont pas accessibles, réservées aux garçons. Une femme ne peut voyager sans l'accord préalable de son époux, son père ou toute autre autorité masculine familiale. Il en est de même pour son admission dans les hôpitaux.

    En fin de compte, nous pourrions nous acharner à trouver une porte de secours qui nous laisserait entrevoir l'amélioration de la condition des femmes en Arabie Saoudite, mais aucune issue ne semblerait envisageable pour l'instant. Les mûrs sont trop hauts et trop épais. Les femmes se heurtent à leur dureté, se blessent à leurs pierres saillantes… Une fenêtre s'ouvre pourtant, toute petite, mais qui a l'avantage d'exister : la possibilité pour certaines filles et sous surveillance, d'avoir accès à l'Internet par l'intermédiaire d'ordinateurs installés dans quelques universités. Un début d'espoir dont nous ne savons pas s'il doit générer l'expression d'un sourire ou l'écoulement de quelques larmes ? Sans doute les deux
    http://www.fraternet.com/femmes/art63.htm 

    1
    Mercredi 17 Mars 2010 à 16:16
    Je partage tout à fait la profonde aversion envers les fanatiques islamistes HYPOCRITES qui ne ratent jamais les horaires des prières , marmonnent le Coran à longueur de journée après s'être soigneusement lavès ...Sauf qu'ils ont du sang sur les mains , que ce soit réellement par leurs crimes , soit responsables par leurs paroles de haine ! JE LES MAUDIS CHAQUE JOUR QUE DIEU M 'ACCORDE  inch'Allah !
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